Section 1 : La facilitation des travaux publics

En la matière, il faut insister sur la loi du 9 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics. Cette loi a pour objet l'instauration d'une servitude administrative sur les terrains se trouvant aux alentours du lieu de réalisation d'un travail public, servitude qui permet à l'entrepreneur d'entreposer sur ses propriétés privées son matériel et d'extraire du sous-sol du foncier privé les granulats dont il aurait besoin.

Cette loi a été adoptée pour éviter que l'administration n'exproprie des terrains dont elle n'avait besoin que le temps des travaux. Avant cette loi, quand l'administration avait besoin d'occuper un terrain pour entreposer le matériel nécessaire à la réalisation des travaux publics, si le propriétaire ne voulait pas la lui louer, elle devait exproprier → expropriation inutile à terme. Désormais, les propriétaires des travaux alentours gardent la propriété sur leur bien + sont indemnisés de la gêne occasionnée par ces travaux, mais les travaux peuvent se faire facilement.

Tous les terrains aux abords des lieux de réalisation des travaux publics ne sont pas exposés à cette servitude pour des raisons de bon sens, et notamment de sécurité. Si le terrain est habité, le terrain ne peut pas faire l'objet de cette servitude. Cette servitude est instaurée par le préfet. Elle ne peut pas dépasser les 5 ans.

Si l'administration a toujours besoin de ces terrains au bout de 5 ans, elle est obligée de recourir à l'expropriation, ce qui lui coûtera très cher → la force à agir vite.

Section 2 : Les garanties des ouvrages publics

§ 1. La garantie décennale

La garantie décennale n'est pas une invention du Conseil d'État. Elle est consacrée par l'article 1792-4-1 du Code civil : "Toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux […]".

Autrement dit, une fois la réception des travaux, la garantie de 10 ans commence à courir. Cette garantie fait peser sur le constructeur l'obligation de faire en sorte que l'ouvrage réponde à sa destination. L'ouvrage ne doit pas être affecté de défauts tels qu'il soit fragile et/ou impropre à sa destination.

Si, dans ce délai de 10 ans, il apparaît que l'ouvrage est affecté d'un tel vice, alors l'entrepreneur (ou sa compagnie d'assurances) doit réparer l'ouvrage. Mais attention : tous les défauts qui vont apparaître dans ce délai de 10 ans ne sont pas couverts. Seuls les vices tenant à la solidité de l'ouvrage ou ceux qui le rendent impropre à sa destination sont couverts par cette garantie.

Exemple : Conseil d'État, 2012, Commune de Prouvy : La commune fait construire une salle des fêtes mal insonorisée. La garantie de la tranquillité publique faisait qu'on ne pouvait pas organiser de fêtes dans la salle des fêtes.

Exemple : CAA Paris, 2016, Société Epsylon Architecture et Société Loiseleur Paysage : Des morceaux de silex sur un terrain de foot blessaient les joueurs de foot : la garantie décennale s’applique.

Cette garantie décennale joue pendant 10 ans. Parfois, le délai apparaît au bout de 2 ans, et le propriétaire profite de l'expertise (destinée à savoir si la garantie décennale) pour faire rénover l'ouvrage.

Les défauts couverts par la garantie décennale ne devaient pas être visibles au jour de la réception, sinon il fallait émettre une réserve et faire jouer la garantie de plein achèvement

§ 2. L'intangibilité de l'ouvrage public

Le principe d'intangibilité de l’ouvrage public est le principe suivant lequel le juge ne peut pas en ordonner la démolition alors même que cet ouvrage serait construit de façon irrégulière. → "L'ouvrage public mal planté ne se détruit pas".

Donc même si un ouvrage public est réalisé en violation des règles d'urbanisme ou en violation du droit de propriété, cet ouvrage ne peut pas faire l'objet d'une décision judiciaire de démolition.

La CEDH a adopté une jurisprudence, et le Conseil d’État a fait évoluer progressivement sa jurisprudence jusqu'en 2003. Conseil d’État, 2003, Commune de Clans : Rappelle que l'ouvrage public mal planté ne se détruit pas, mais en acceptant des exceptions qui n'existaient pas auparavant. Pour les personnes publiques, ce principe d'intangibilité était particulièrement pratique. Il s'agissait de poteaux électriques sur la propriété d'un particulier, qui réclamait leur démolition.

Aujourd’hui, la jurisprudence date de 2019 : Conseil d’État, 2019, M. Pinault c. Ministre de la culture : M. Pinault est propriétaire d'un hôtel particulier dans le 6ème arrondissement de Paris, dont le jardin donne sur l'arrière de l'école des Beaux-Arts de Paris. M. Pinault était excédé par une construction Algeco construite de façon officiellement provisoire dans les années 1990, pour faire face au manque de places au sein de l'école. Le Conseil d'État lui a donné raison : en tant qu'ouvrage provisoire, l'ouvrage était régulier ; mais après 20 ans, alors que l'administration n'avait fait aucun effort pour réaliser un ouvrage définitif, alors devient illégal. Dorénavant, l'annulation de refus de démolir un ouvrage public mal planté ne relève plus du juge de l'excès de pouvoir, mais relève du juge du plein contentieux qui statue en fonction de la situation de droit et de fait à la date où il statue.

Avant 2019, quand une personne demandait à l'administration de démolir, elle devait exercer un REP. C’était une procédure lourde. L'injonction de destruction apparaissait comme accessoire du contentieux, alors que c'était le principal. En 2019, le Conseil d'État a remis les choses dans le bon ordre et reconnu que la demande de requérants de voir démolir l'ouvrage est l'objet principal de cette demande. Dorénavant, il faut passer devant le juge de plein contentieux et recourir obligatoirement aux services d'un avocat.