L'expropriation se définit comme la privation autoritaire d'un bien ou d'un droit dans un but d'utilité publique compensée par une juste et préalable indemnisation au bénéfice de l'État ou d'une personne que celui-ci désigne soit dans la déclaration d'utilité publique, soit dans un acte postérieure

L'exigence de juste et préalable indemnisation est une exigence constitutionnelle (article 17 de la DDHC). Afin de lutter contre les abus qui avaient lieu sous l'Ancien Régime, le pouvoir constituant a consacré la propriété privée tout en autorisant les expropriations sous condition d'une juste et préalable indemnisation. Dès lors qu'une loi a pour objet la privation du droit de propriété, le Conseil constitutionnel conditionne sa conformité à la Constitution au respect de cette exigence d'une juste et préalable indemnisation.

L'expropriation doit être distinguée des autres mécanismes par lesquels les personnes publiques prennent possession, de façon plus ou moins autoritaire, des biens privés. Il faut notamment distinguer l'expropriation de la réquisition. La réquisition est la privation d'un bien né de façon temporaire. Au terme de la réquisition, l'admin doit restituer le bien à son propriétaire. La réquisition a souvent été utilisée en matière de logement : quand il faut dans l'urgence loger des personnes, l'Etat peut réquisitionner des logements ; une fois l'urgence passée, le propriétaire doit récupérer la propriété de son bien comme ce n'est pas une expropriation, l'indemnisation n'est que postérieure

il faut aussi distinguer du droit de préemption : le législateur a reconnu aux établissements publics de coopération intercommunale le droit de préemption urbain (PEU) quand une personne publique exerce son droit de préemption, elle se substitue à l'acquéreur mais elle ne force pas le propriétaire à vendre en effet, le droit de préemption ne peut être exercé par une personne publique que si le propriétaire décide de vendre ou d'aliéner -> Le droit de préemption est un droit de substitution à l'acquéreur.

S'il y a une procédure dont on peut rapprocher l'expropriation, c'est la nationalisaiton. La nationalisation est l'acquisition par l'Etat de biens appartenant à des personnes privées en application d'une loi. Ainsi, en 1981, le gouvernement socialiste ont nationalisé des banques afin que l'Etat dispose de leurs outils financiers pour mener à bien ses politiques publiques. La nationalisation, c'est une expropriation qui passe par un régime législatif prévu par la Constitution et plus précisément par les principes particulièrement nécessaires à notre temps énoncés dans le préambule de la Constitution de 1946. La différence entre l'expropriation et la nationalisation, c'est que la nationalisation implique une loi alors que l'expropriation est une décision prise par le pouvoir exécutif conformément à la procédure législative générale posée par le Code de l'expropriation.

L'expropriation permet aux personnes publiques d'acquérir les biens immobiliers dont elles ont besoin pour mener à bien leurs politiques publiques. ILn 'est pas rare que l'administration exproprie des terrains nus sur lesquels elle va ensuite réaliser des travaux publics pour disposer des ouvrages publics nécessaires à ses missions.

Aujourd'hui, le droit de l'expropriation est codifiée dans le Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui a fait l'objet de plusieurs recodifications depuis les années 1950 - dernière 2015. Ce Code renferme toutes les dispositions qui vont nous intéresser pour ce cours.

La 1ère loi relative à l'expropriation date du 8 mars 1810. Napoléon Bonaparte avait exigé sa rédaction. Certes, Napoléon a laissé le souvenir d'un autocrate, mais il était très attentif au droit de propriété, car il avait compris que c'est le socle de la paix sociale. Pour protéger les propriétaires contre l'Etat il a exigé que ce soit le juge judiciaire qui intervienne pour prononcer le transfert de propriété dans le cadre de l'expropriation. L'expropriation est certes le pouvoir par excellence de l'État sur les biens des particuliers / c'est un accroc, ou en tout cas un aménagement, au contrat social, puisqu'elle permet à l'Etat de priver un particulier de sa propriété sur un bien ; mais c'est une prérogative de puissance publique qui ne peut aboutir qu'avec l'intervention du juge judiciaire.

Depuis, cette règle est restée constante : même dans les procédures d'expropriation les plus dérogatoires, le juge judiciaire doit intervenir. Tant mieux, car la CEDH est fréquemment saisie d'affaires portant sur le procédure d'expropriation.

La CEDH a jugé plusieurs dispositions du Code de l'expropriation contraires à la Constitution et le législateur a du intervenir pour les corriger.

Aujourd'hui, quand l'administration respecte le droit en vigueur, les violations de la Convention EDH sont quasiment inexistantes.

Quel est le but de l'expropriation ?

But principal : permettre à l'administration d'acquérir le foncier dont elle a besoin pour ses missions

Il n'est pas surprenant que le droit de l'expropriation évolue en fonction des contextes économiques et sociaux Après 1810, la grande loi sur l'expropriation a été celle de 1848, parce qu'est en train de se développer le chemin de fer ; il faut permettre aux compagnies de chemin de fer d'acquérir le foncier nécessaire pour la construction des voies ferrées le législateur est venu préciser la procédure pour éviter les contentieux

au 19ème siècle, être exproprié était parfois une chance, parce que les indemnités d'expropriation étaient décidées non par l'administration ni par le juge judiciaire, mais par des commissions de propriétaires, qui se montraient particulièrement généreux

L'expropriation peut être utilisée par l'administration dans de nouveaux buts, et pas seulement pour acquérir le foncier nécessaire à ses missions. On peut citer notamment la protection de l'environnement ou encore la protection contre l'environnement. Ainsi, le législateur est intervenu en 1995 pour mettre en place une procédure d'expropriation des immeubles menacés par l'environnement ["procédure sauvetage"] : il s'agit de sauver le propriétaire de son bien qui est dangereux et qui ne vaut pas grand chose. Si un propriétaire découvre que son bien se trouve dans un couloir d'avalanche, non seulement l'utilisation de son bien sera risqué, mais en plus il ne vaudra plus rien. L'État n'a pas besoin de ces biens : il n'exproprie que pour rendre service.

Ex tempête Xinthia : CE, 2010, Commune de la Faute sur Mer : Permis de construire délivré à la demande des propriétaires. Certains propriétaires ont demandé à l'Etat à être exproprié.

⚠️ Il n'y a pas de droit à être exproprié, même si son bien est menacé par la nature.

L'expropriation peut aussi être une forme de sanction : le Code de la santé publique prévoit une procédure d'expropriation pour lutter contre les immeubles insalubres.

Cela permet à l'Etat d'exproprier des immeubles insalubres, càd des immeubles que les propriétaires ne doivent pas louer parce qu'ils sont dangereux soit pour l'intégrité soit pour la santé de leurs utilisateurs. Ce sont des bâtiments dont l'Etat ne voudrait pas en l'état, puisqu'il devra les restaurer pour s'en servir.