La déclaration d’utilité publique (DUP) a pour objet d'affirmer l'utilité publique du projet nécessitant l'expropriation.

Pendant très longtemps, jusque dans les années 1970, le juge n'exerçait sur la déclaration d’utilité publique qu'un contrôle matériel : il vérifiait seulement si le projet était matériellement d'utilité publique. Le Conseil d'État avait à cette occasion rendu une jurisprudence très importante : Ville Nouvelle Est (1971).

Mais la déclaration d’utilité publique est un acte administratif et est donc soumis au principe de légalité, ce qui fait qu’il doit respecter les normes qui lui sont supérieures. Donc progressivement, à partir des années 1980, on a soumis la DUP à un contrôle non seulement matériel, mais aussi vis-à-vis de la hiérarchie des normes.

Section 1 : La DUP et les normes constitutionnelles

De façon assez surprenante, il a fallu attendre jusqu’en 2013 pour ce point : Conseil d’État, 2013, Association coordination interrégionale stop THT : Le Conseil d’État assume pleinement le contrôle de la conformité des déclarations d’utilité publique au bloc de constitutionnalité. En l'espèce, l'État - à la demande d'EDF - avait déclaré d'utilité publique la construction d'une ligne à très haute tension. Un collectif avait exercé un recours pour excès de pouvoir contre cette déclaration d'utilité publique. Parmi les moyens invoqués par le requérant, il y avait celui de la violation du principe de précaution (qui est énoncé dans la Charte de l'environnement et a donc valeur constitutionnelle). Le Conseil d’État a admis le moyen consistant à faire valoir que cette DUP violait la norme constitutionnelle que constitue le principe de précaution (mais l'a rejeté au fond).

En l'espèce, le Conseil d’État reconnaît que les lignes à THT génèrent des effets dont on n'est pas entièrement certains de l'innocuité. Il vérifie donc si les mesures de précaution prises par l'expropriant sont suffisantes et considère qu’elles le sont → le principe de précaution a été respecté et la déclaration est conforme au principe de précaution.

<aside> 💡 Le principe de précaution prévoit qu’il ne faut pas adopter une décision quand on pense, sans en être certain, qu'il y a un risque que ses effets portent atteinte à l'environnement.

</aside>

La déclaration d’utilité publique étant un acte administratif unilatéral, il n'est pas surprenant qu'elle soit soumis à un contrôle de conventionnalité (Conseil d’État, 1989, Nicolo).

Section 2 : La DUP et les normes internationales

Conseil d’État, 2013, Association coordination interrégionale stop THT : Cet arrêt de 2013 a un autre intérêt : le Conseil d’État y vérifie la compatibilité d'une déclaration d’utilité publique à la Convention EDH. Il écarte en l'espèce l'opposition à l'article 8 de la Convention EDH consacrant le droit à la vie privée, mais il admet la possibilité pour les requérants d'invoquer une norme internationale à l'encontre d'une DUP. ⚠️ Cette norme internationale doit être d’effet public.

Section 3 : La DUP et les normes d'urbanisme

§ 1. Le respect du PLU par la DUP

Les normes d'urbanisme sont énoncées dans le Code de l'urbanisme, qui contient des dispositions législatives et des dispositions règlementaires. C'est ainsi que le Code de l'urbanisme énonce la règle de la constructibilité limitée, règle selon laquelle il n'est pas possible de construire des immeubles nouveaux en dehors des zones déjà urbanisées lorsque la commune n'est pas dotée d'un plan local d'urbanisme (PLU).

Cette norme de valeur législative doit être respectée par la déclaration d'utilité publique, qui est un acte administratif : si une DUP porte sur un projet d'urbanisation en dehors des zones urbanisées d'une commune qui n'est pas dotée d'un PLU, elle violera le principe de l'urbanisation limitée énoncée par le Code.

L'une des spécificités du droit de l'urbanisme est d'être un droit largement décentralisé Jusqu'en 1981, les plans d'occupation des sols (les ancêtres des plans locaux d'urbanisme) étaient adoptés par l'État ; conséquence : comme les DUP sont aussi adoptés par l'État, si une DUP entrait en contradiction avec un plan d'occupation des sols, ce n'était pas très grave.

Toutefois, dès les années 1970, le Conseil d'État a estimé que l'administration doit respecter les règlements qu'elle se donne et que les déclarations d'utilité publique doivent donc respecter les plans d'occupation des sols. En 2000, les plans d'occupation des sols ont été remplacés par des plans locaux d'urbanisme (PLU) qui, depuis 1983, ne sont plus élaborés par l'État mais par les communes ou leurs établissements publics de coopération intercommunale

Une déclaration d'utilité publique doit donc être compatible avec un PLU ou un plan d'occupation des sols.

Conseil d’État, 2015, Département du Gard : Une opération qui fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique doit être compatible avec un PLU. Cette compatibilité n'est reconnue qu'à la double condition que la déclaration d'utilité publique :

  1. ne porte pas sur un projet qui serait de nature à compromettre le parti d'aménagement retenu par la commune dans son texte ;
  2. ne méconnaisse pas les dispositions du règlement de la zone du plan dans laquelle sa réalisation est prévue.