À quelles conditions un bien entre ou sort du domaine public ? On peut dire qu'un bien public entre plus facilement dans le domaine public qu'il n'en sort : sauf exception, dès qu'un bien public est affecté à l'usage direct du public ou à un service public, il entre dans le domaine public.

En revanche, pour ce que ce bien du domaine public en sorte, il faut non seulement qu'il soit désaffecté, mais également qu'il soit déclassé. → Le formalisme pour faire sortir un bien du domaine public est contraignant.

Pourquoi une telle différence ? Si un bien est affecté à l'usage direct du public ou à un service public, c'est qu'il est utile à l'intérêt général → il faut que les 2 principes protecteurs soient facilement mis en œuvre. En revanche, il faut éviter qu'un bien sorte du domaine public par mégarde.

Section 1 : L'entrée dans le domaine public

§ 1. L'incorporation dans le domaine public naturel

💡 Ce cours ne s’intéressera qu’à l’incorporation dans le domaine maritime public naturel.

Dès qu'un immeuble correspond à la définition d'un des éléments du domaine public maritime naturel, cet immeuble tombe dans ce domaine public. → L'application de l'article L2111-4 du CGPPP est automatique.

Il suffit donc qu'un terrain soit mouillé par les plus hauts flots de la mer pour que, sans autre procédure, le bien devienne un élément du rivage et donc un élément du domaine public maritime naturel et donc la propriété de l'État.

Comment identifier si un bien fait partie du rivage ? Conseil d’État, 2011, Commune du Lavandou : Des cabanes de pêcheurs servant à l'entrepôt des barques relèvent-t-elles du domaine public maritime naturel ? Il faut voir si ces locaux sont mouillés par les plus hauts flots de la mer. Le Conseil d’État relève que la preuve par l'administration est libre et juge que, dès lors que sur les murs de ces garages à bateaux il y a des algues marines et des invertébrés marins qui ne peuvent pas vivre sans être régulièrement mouillés, c'est bien la preuve que les vagues touchent régulièrement ces biens.

La preuve scientifique peut donc résulter de la présence de la flore ou de la faune maritime sur les biens. Cela peut aussi résulter de photos, de dessins, de peintures, de témoignages… garantissant que les flots atteignent tel ou tel point du littéral. Il n’y a pas besoin d'autre chose (par exemple, pas besoin d'un acte de délimitation) !

§ 2. Entrée dans le domaine public artificiel

Conseil d’État, 2016, Commune de Baillargues : Dès lors que le bien est affecté > soit à l'usage direct du public ; > soit à un service public à condition de faire l'objet d'un aménagement indispensable → le bien entre dans le domaine public.

Là encore, il n'est pas nécessaire que l'administration prenne un acte de classement : l'administration peut le faire (ça peut être utile pour expliciter l'appartenance du bien au domaine public), mais cet acte de classement ne crée pas l'appartenance du bien au domaine public.

A - L'absence de portée en principe du classement

Le classement est un acte purement déclaratif.

Par exemple, pour la délimitation du domaine public maritime naturel : Conseil d’État, 1988, Consorts Brisse : Les consorts Brisse avaient acheté un bien en bord de mer et avaient demandé à l'administration un acte de délimitation du domaine public maritime naturel afin de connaître les limites de leur droit de propriété par rapport au rivage. L’acte de délimitation du domaine public maritime naturel est un droit pour les riverains de la mer : les consorts Brisse exercent ce droit puis commencent des travaux. Manque de chance : le niveau de la mer augmente, et il s'avère que le mur qu'ils ont édifié en retrait de la délimitation fixée par l'administration est dorénavant mouillée par les plus hautes eaux de la mer. Réponse du Conseil d’État : “les dispositions de l'arrêté […] sont sans influence sur l'existence de la contravention commise pour avoir occupé illégalement le domaine public, dont le juge administratif peut souverainement déterminer les limites”.

C'est le droit commun ; il existe des exceptions :

B - L'effet translatif de certaines délimitations

Certaines délimitations ont un effet translatif, au bénéfice uniquement de l'administration. Nous n'étudierons ici qu'1 cas particulier : celui du domaine public routier.

Les voies publiques font partie du domaine public routier : dès lors qu'une route ou une rue est ouverte à la circulation du public, cette voie de communication entre dans le domaine public routier. Il suffit que l'administration ait ouvert cette voie pour que cet espace tombe dans le domaine public routier, à la condition que le foncier appartienne à l'administration.