Section 1 : Remarques générales

§ 1. Une articulation subtile entre le droit au juge et la sécurité juridique

Les règles de recevabilité tendent à assurer un équilibre entre 2 séries de préoccupations.

La 1ère est le droit d'exercer un recours juridictionnel effectif, qui est garanti à de nombreux égards :

par la jurisprudence du Conseil d'État au titre des PGD ; par la jurisprudence du Conseil constitutionnel ; par les articles 6 et 13 de la Convention EDH ; par la Charte des droits fondamentaux de l'UE.

Mais ce droit au juge n'a jamais été un droit absolu. Il doit être concilié avec une 2ème série de considérations :

  1. La sécurité juridique : on ne doit pas pouvoir remettre en cause en permanence les actes juridiques pris par les autorités administratives.
  2. Le souci de ne pas engorger immodérément les juridictions administratives. Exemple : les recours administratifs préalables obligatoires (RAPO) reposent sur l'idée de tenter de résoudre les litiges en amont d'une saisine du juge. Exemple : l'obligation du recours au ministère d'avocat.

Certaines règles de recevabilité sont textuelles, d'autres sont prétoriennes. Certains considèrent que l'accès au juge administratif est trop aisé, tandis que d'autres trouvent qu'il est trop complexe. → Il n'y a pas de vérité absolue en la matière.

§ 2. L’ordre des examens des questions : la règle du DINI

Les règles de recevabilité ne sont pas les 1ères que le juge admin s'attache à examiner lorsqu'il est saisi d'un recours.

La règle du "désistement, incompétence, non-lieu, irrecevabilité" (DINI) indique l'ordre dans lequel il faut examiner le litige. Ainsi, si un requérant dont la requête est irrecevable se désiste, alors le juge lui confirmera son désistement malgré l'irrecevabilité.

Cette règle est d'ordre public pour le juge : il doit obligatoirement se poser ces 4 questions et les relever d'office. Cela montre que le magistrat n'est pas prisonnier des écritures des parties.

Il existe une dérogation à cette règle du DINI fixée par l'article R351-4 du CJA : lorsqu'une requête est manifestement irrecevable et que cette irrecevabilité ne peut pas être régularisée, alors la juridiction saisie peut rejeter cette requête pour irrecevabilité manifeste même si elle n'aurait pas été compétente pour la juger au fond.

§ 3. La question de la date à laquelle on apprécie la recevabilité

En principe, on a une appréciation de la recevabilité au jour de l’introduction de la requête avec une souplesse bienveillante (sauf disposition textuelle contraire) : les événements ultérieurs à l’introduction de la requête peuvent rendre la requête recevable. Exemple : naissance d’une décision postérieurement à la saisine du juge.

En revanche, on ne peut pas perdre l’intérêt pour agir si on était recevable au moment d’introduire la requête.

§ 4. Le caractère d’ordre public des questions de recevabilité

L'irrecevabilité d'une requête est d'ordre public : le juge doit la relever d'office. Une juridiction administrative ne peut jamais faire droit à une requête qui serait irrecevable. En revanche, dans certains cas, le juge peut rejeter une requête au fond alors même que cette requête serait irrecevable.

Lorsqu'une requête pourrait être irrecevable pour absence d'intérêt à agir, il peut arriver qu'un juge administratif rejette la requête au fond, pour 2 raisons différentes :

  1. Le juge a un doute concernant la question de l'intérêt à agir ;