Section 1 : L’indépendance et l’impartialité du juge

Il ne suffit pas qu'un jugement soit rendu ; encore faut-il qu'il soit rendu dans des bonnes conditions. Le principe de l'indépendance du juge et de son impartialité est garanti par la jurisprudence du Conseil constitutionnel elle-même :

§ 1. Un principe garanti par des normes constitutionnelles et conventionnelles

Conseil constitutionnel, 25 mars 2011, n°2010-110 QPC : ”Les principes d'indépendance et d'impartialité sont indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles”.

<aside> 💡 Cette affirmation du Conseil constitutionnel concerne toutes les juridictions, et pas seulement la juridiction administrative.

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C’est la décision n°80-119 DC du 22 juillet 1980 du Conseil constitutionnel qui a consacré l'indépendance de la juridiction administrative en tant que PFRLR. C'est la 1ère fois que le Conseil évoquait l'existence de la juridiction administrative dans sa jurisprudence.

Le principe d'indépendance a un double visage :

  1. L'indépendance structurelle de la juridiction administrative dans son ensemble.

    Exemple : interdiction pour le Parlement de prendre des mesures plaçant les magistrats administratifs sous le contrôle du pouvoir exécutif.

  2. L'indépendance de chaque juge dans sa fonction juridictionnelle.

Cette indépendance et impartialité sont garanties par la Constitution ainsi que par l'article 6 de la CEDH. Il s'agit aussi d’un PGD consacré par la jurisprudence du Conseil d'État.

En effet, le Conseil d’État a souvent eu l'occasion d'affirmer ce principe d'indépendance et d'impartialité du juge administratif.

Exemple : Conseil d’État, 6 décembre 2002, M. Trognon : Le Conseil d’État était confronté à la question : la Commission centrale d'aide sociale (ancienne juridiction administrative spécialisée dans le domaine de l’aide sociale) est-elle une juridiction ? 💡 Depuis 2019, le contentieux de l'aide sociale est traité par les TA et par le juge judiciaire.

Cette juridiction était composée à la fois de magistrats professionnels et de fonctionnaires de l'État. Est-ce que le fait que cette juridiction administrative ait parmi ses membres des fonctionnaires pose un problème par rapport à son impartialité ?

Le Conseil d’État apporte une réponse nuancée en jugeant qu'une juridiction indépendante et impartiale n'est pas forcément composée uniquement de magistrats professionnels. Il dit qu'on peut même concevoir que des fonctionnaires fassent partie d'une juridiction, à la condition qu'il existe des garanties permettant d'éviter que les fonctionnaires en question puissent être soumis à des pressions de la part de leur administration.

Ainsi, le Conseil d’État valide ce modèle dans son principe, mais entoure le fonctionnement d'une telle juridiction de garanties indispensables pour assurer son indépendance et son impartialité en rappelant "qu'en vertu des principes généraux applicables à la fonction de juger, toute personne appelée à siéger dans une juridiction doit se prononcer en toute indépendance et sans recevoir quelque instruction de la part de quelque autorité que ce soit".

Ici, ce ne sont que des affirmations prétoriennes ; mais le Parlement s'est saisi de la question :

§ 2. Des exigences déontologiques consacrées et renforcées par le législateur

La loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires concerne les magistrats administratifs ; en effet, ce sont des fonctionnaires (à statut très particulier), contrairement aux magistrats judiciaires.

Cette loi de 2016 inscrit dans le marbre législatif des principes qui étaient appliqués avant même que la loi ne se saisisse de la question.

Exemple : le nouvel article L131-2 du CJA dispose que "Les membres du Conseil d'Etat exercent leurs fonctions en toute indépendance, dignité, impartialité, intégrité et probité et se comportent de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard".